L’apiculture en terre alsacienne et son histoire
Longue histoire que celle de la constitution de l’entité Alsacienne d’aujourd’hui. Terre de compromis entre plusieurs courants de cultures avec une constance pour cette province un peu à l’écart de la France, celle de se trouver à l’épicentre des grands courants migratoires des hommes en Europe.
Hier comme aujourd’hui, l’Alsace se trouve aux confins des principales cultures européennes, réelle césure entre le monde latin et germanique. Elle puise à la fois son identité et sa particule dans les profondeurs des temps et de sa position géostratégique qui lui ont fait écrire des pages singulières et uniques dans l’histoire de France et de l’Europe.
Longtemps terre de convoitise, elle subits les principales invasions de l’orient comme de l’occident. Terre de lutte ou alterneront des siècles durant, des périodes de d’opulence et de prospérité avec celles de misère, de douleur et de tragédies. Aujourd’hui, celle qui se trouve être la plus petite région de France en surface, fort de son passé, se tourne résolument vers son avenir. Son esprit multiculturel, la projette naturellement à l’épicentre des échanges sociaux économiques mondiaux. La plus petite région de France certes, mais deuxième en densité d’habitant après l’Ile de France, elle se trouve au 3ème rang économique des régions, avec un des taux de chômage des plus bas de l’hexagone. L’Alsace d’aujourd’hui, se propose de jouer un rôle fédérateur et moteur de la politique européenne pour mieux assurer la paix et le bien être des peuples et bien sûr compteront avec, près de 2900 apiculteurs. Avant d’entrer dans le vif du sujet il faut comprendre l’histoire de l’Alsace pour mieux cerner l’âme de cette culture au combien singulière et particulière.
La préhistoire
La présence de l’homme est attestée depuis le Paléolithique, cependant, c’est le néolithique qui a laissé le plus de trace. Déjà en ces temps, les populations qui ont une existance semi-nomades viennent de tous les points cardinaux de l’Europe, c’est un immense brassage humain. D’après les rites funéraires les origines sont des types Scandinaves, Méditerranéen, Danubien, Hellénique, et de bien d’autres.
Les Celtes
L’Alsace sera un berceaux de ces peuplades (principalement les Brittoniques et Goïtoniques ) qui envahiront pratiquement l’entier espace européen pour fonder des communautés économiques et culturelles très intenses. Ils sont un obstacle pour les romains qui ne veulent pas avoir pour voisinage des entités non contrôlées par eux et qui de surcroît, font de temps à autre des incursions profondes à l’intérieur de leur empire. C’est justement vers 60 avant JC qu’un prince suève Arioviste inquiète à la fois les Romains et leurs alliés les Gaulois.
La période Romaine
De ce fait, le proconsul Jules César entreprend de conquérir des terres qui mettront Rome à l’abri de ces peuplades, il entreprend la conquête de l’Alsace en 58 avant JC, repousse Arioviste au-delà du Rhin. Ainsi, l’Alsace entière tombe sous la domination des Romains et de leurs alliés en 56 avant JC. Dénommé par les Romains ‘‘la province de la Germanie supérieure’’, elle restera pendant 4 siècles sous le bouclier de la ’’Pax Romana’’. Période de prospérité tout au moins jusque vers la fin du IIIème siècle. Au cours de cette période une fois de plus, des hommes de tous les horizons et de toutes cultures convergent vers ces lieux situés entre les Vosges et Forêt Noire, une fois encore, c’est un véritable bouillon de culture qui gravera profondément le creuset de l’âme de cette région. A la fin du IIIème siècle les incursions des peuplades barbares se font de plus en plus nombreuses. Les armées romaines doivent reculer, ils quitteront définitivement l’espace alsacien en 361. Le passages des barbares et l’apparition du Christianisme :
Les Romains une fois partis, ce sera pour quelques temps le passage des différentes peuplades Burgondes, Ostrogoths ….. et autres Huns, la plupart de ceux-ci ne font que passer, ils ne s’établissent pas et ne semblent pas trop inquiéter les populations qui restent cachées dans l’immensité des épaisses forêts. Il faut noter, que le christianisme n’a pas réussit à faire une percée notable pendant la période Romaine comme en d’autres lieux, vallée du Rhône, Provence, etc… . Ce fait est dû à la présence de la 8ème légion romaine adepte du culte de la déesse Mitra et la marginalité des premiers prédicateurs figurent parmi les causes principales, de ce fait, la religion chrétienne ne prend racine que vers la fin du 4ème siècle.
Le duché d’Alsace et le Moyen Age
C’est vers 610 que le terme Alesaciones apparaît pour la première fois dans les écris. En 613, le nom Alésacius apparaît pour désigner le pays situé entre les Vosges et le Rhin. En 640 le duché d’Alsace parait formé pour une durée d’un siècle. Les Etichons seront la dynastie qui portera le titre de Duc d’Alsace. Malgré leur disparition, ils seront à la base de la racine généalogique d’une multitude familles régnantes européennes, qu’on en juge, Carolingiens, Capétiens, Maison de Saxe, Hohenstaufen, Habsbourg, Duc de Lorraine, maison de Savoie et encore….. Deux illustres personnages sont en parenté directe, Ste Odile patronne de l’Alsace par filiation paternelle, le pape Léon IX de filiation maternelle. En 873, après la mort de Lothaire II l’Alsace est incorporée au royaume d’Austrasie, elle appartient, dès sa création en 961 par Othon I, au Saint Empire Romain Germanique.
L’Alsace de Louis XIV et son transfert à la France
Ce sera sous Louis XIV, à la faveur du traité de Westphalie, (très ambiguë et évasif sur la question Alsacienne), signé après une guerre de religion de 30 ans (1618 – 48), que le Sundgau en Haute Alsace, ainsi que les possessions en Basse Alsace, le Val de Villé, des terres appartenant aux Habsbourgs reviennent ‘’de plein droit’’ au roi de France. Particularité, qui s’avère à terme une erreur, les frontières douanières pour les marchandises sont maintenues entre la France et la province Alsacienne sur les hauteurs Vosgiennes. L’Alsace est dénommée, de ce fait, la France de l’extérieur, ce qui répond au terme aujourd’hui encore usité de ’’France de l’intérieure’’. Il faudra attendre 1797 avec le traité de Ryswick pour que celles-ci soient établies sur le Rhin. Cependant, Louis XIV a peur de l’Alsace, de ce fait ce sera une lente conquête du restant de l’entité territoriale Alsacienne, un morcellement entre villes libres, divers territoires de seigneurs, Landgraves, contés, etc. L’Alsace sera pratiquement définitivement acquis au roi avec la capitulation de la ville de Strasbourg par le traité d’Illkirch en 1681. Strasbourg la Luthérienne, saura négociée habilement, seules conditions émise par le roi, que la cathédrale revienne à nouveau au culte catholique et…. que l’évêque chassé de Strasbourg en 1262 puisse à nouveau s’établir dans l’enceinte de la ville. Les troupes françaises prendront possession de Strasbourg le 30 septembre 1681 avec pour mot d’ordre du roi lui-même pas de vol, pas de viol, pas d’exaction, quelques jours après Louis XIV assiste en la cathédrale de Strasbourg à une messe de Te Deum. Pourtant, le passage de l’Alsace du Saint Empire au royaume de France n’allait pas sans douleur, on aura encore à l’esprit la campagne de Turenne en Alsace en 1675 avec les batailles de Mulhouse et de Turckheim, un an avant c’était la bataille de Entzheim. On n’oubliera pas qu’en 1677, la ville de Haguenau sera détruite sur ordre du roi, par un double incendie, sa forêt devra revenir au roi. Un procès se tiendra grâce à un avocat qui obtiendra pratiquement gain de cause, la forêt est mise en indivise, moitié pour le roi, moitié pour la commune sans limite territoriale. A la faveur des dites ‘’guerres de Hollande’’, mais dont les combats se dérouleront non seulement en Hollande mais encore dans le nord de la France, dans l’actuelle sud est de l’Allemagne, la guerre appelle la guerre disait-on à l’époque, Louis XIV envahi l’Outre Forêt (partie située au nord de Haguenau) appartenant à divers princes. C’est la paix de Nimègue 1678, qui stabilisera la situation en Alsace. Après 9 siècles d’appartenance à l’Empire Romain Germanique, l’Alsace est à présent dans le giron de la royauté Française. Le mérite revient à Louis XIV d’avoir rendu aux Alsaciens l’identité perdu depuis l’extinction des Duc d’Alsace au 9ème siècle, c’est encore lui en implantant l’administration royale à Strasbourg lui donnera le statut de capitale de l’Alsace. Il faudra encore 2 autres traités, Ryswick 1697, Rastadt 1714 pour asseoir l’Alsace et ses limites territoriales au sein du royaume de France. Les dessins de Charles VI avec son expédition des Armagnac en 1444, suivit de Louis XI deviennent réalités, faire de l’Alsace la marche de la France vers l’Europe centrale. Ne pas toucher aux usages de l’Alsace était le maître mot du roi Louis XIV et de son administration. Fort de cette philosophie, l’Alsace se dote ainsi d’un statut particulier touchant tant le secteur économique, que le droit civil ou encore le respect des libertés religieuses (les protestants et juifs connaissaient un régime moins strict que dans le restant de la France). Cette particule aura la vie longue car l’Alsace d’aujourd’hui, connaît au travers d’autres décrets certes, un statut particulier au sein de la République française, les régimes changent mais les us demeurent.
La révolution et les modifications des limites territoriales
La révolution a mis fin aux provinces, elle instaure les départements. L’Alsace partagée en deux parties, depuis le haut moyen âge, la haute et la basse Alsace, la séparation se matérialise par un petit ruisseau au sud de Sélestat, le Landgraben. Cette limite territoriale matérialisera la mise en place de la limite territoriale entre les 2 départements du Haut Rhin et Bas Rhin. Belfort se trouve intégré dans les limites du département du Haut Rhin 2 raisons essentielles : leur appartenance aux contes de Montbéliard qui étaient alliés aux Wurtemberg mais surtout, les conséquences d’une émigration de main d’œuvre vers les industries d’impression de Mulhouse. Au nord, pour des questions de religion (contrée à forte majorité de protestants), les habitants des cantons de Drulingen et de Sarre Union, qui sont Lorrain, demandent leur rattachement à l’Alsace. Les révolutionnaires accèdent à cette demande, c’est ainsi que cette portion de territoire retrouve l’identité qu’elle détenait déjà sous l’administration Romaine. En 1798, c’est le rattachement de Mulhouse, canton helvétique, à la France. La révolution aura redéfini de nouveaux contours géographiques pour l’Alsace.
La guerre de 1870/71 et le traité de Francfort du 10 mai 1871
Après la capitulation générale des Français, le nouvel empire Allemand demande que la France renonce à tous ses droits sur l’Alsace et d’une partie de la Lorraine. Le 1er mars 1871, les députés alsaciens et lorrains soutenus par Gambetta et Denfert-Rochereau donne lecture à l’Assemblée Nationale, de la protestation de Bordeaux qui demande que la France n’accède pas à la demande de Bismarck pour l’annexion de ces territoires. Rien n’y fait, c’est par une forte majorité que les députés réunis à la bourse de Bordeaux décident de se séparer de l’Alsace et de la Lorraine (actuel département de la Moselle). Une dernière fois les contours des limites géographiques de l’Alsace vont être modifiées. Une grande partie de l’arrondissement de Belfort restera Française, par contre des portions de territoire du département des Vosges, situées sur le versant Alsacien seront intégrées au Reichsland. La partie la plus importante se situe dans le Bas Rhin par l’annexion des deux cantons de Saales et de Schirmeck appartenant au cours des temps partiellement à l’Alsace, à la principauté de Salm et aux Ducs de Lorainne. Ce seront les dernières modifications des limites géographiques de l’Alsace.
L’Alsace d’aujourd’hui
La guerre de 1870 aura engendrée deux autres conflits, 1914/18 et 1939/45 périodes pendant lesquelles l’Alsace et la Lorraine seront ballottées entre les deux nations ennemies. Cette page douloureuse de l’Alsace, à présent, s’estompe peu à peu. L’espoir de voir les différentes nations européennes regroupées sous une même bannière donne aujourd’hui à l’Alsace la force de prendre l’histoire à témoin pour entrevoir un avenir serein à l’ensemble des hommes vivant sur le continent européen. C’est par cette histoire riche de brassage économique, philosophique, culturelle, c’est par cette conjonction de peuple d’origine différente que l’Alsace s’est forgé ce caractère d’une profondeur d’âme et d’esprit qui lui est si particulier. Pas étonnant que l’apiculture Alsacienne est une véritable particule au sein des grands courants de cette activité dans l’espace Européen.
L’apiculture alsacienne partagée entre la culture Latine et Germanique
Comment ne pas être imprégné par les caractères de ceux qui vous entourent lorsque ce sont les deux plus puissants courants européens qui, tantôt unissent leurs forces, tantôt se combattent. Rien d’étonnant, si l’apiculture alsacienne est germanique dans sa pratique et latine dans ses applications théoriques et philosophiques.
Comme dans toutes contrées occupées par les Celtes et les Romains l’abeille a été exploitée de manière empirique certes, le miel restera pendant des siècles la seule nourriture sucrée pour les hommes du continent européen.
De l’époque Franque au temps de l’apiculture moderne
L’apiculture Alsacienne tire sa singulière différence à partir du haut moyen âges. En ces temps, l’ensemble du territoire alsacien était en grande partie couvert de forêts, en divers endroits très épaisses. C’est dans les bois que l’apiculture alsacienne prend ses « racines ». Il semblerait que dès l’origine, l’activité apicole était l’apanage de personnes spécialisées. Si paysan l’apiculteur l’étaient, il n’était pas habituel de voir des ruches chez chaque artisan de la terre comme en d’autres contrées. Des troncs d’arbres étaient évidés pour recevoir des essaims. La récolte se faisait de manière primaire, un peu de fumée, la protection des parties essentielles du corps assurée par des vêtements et linges. En parallèle, c’est dans les nombreux monastères, là ou se trouve l’essentiel du savoir, que se développe une apiculture lucrative. Si le miel était richesse, la cire était la matière à peser or pour l’époque. Elle permettait de confectionner les cierges, indispensable en ces lieux d’érudition lorsque la nuit tombe et pour éclairer le maître autel pour les saintes messes (4 pour grande messe, 2 pour messe basse). Il est probable, que c’est en ces lieux que sont inventé et confectionnées les premières ruches à paille. Celles-ci sont non seulement en pailles mais encore en bois ou en osier, l’étanchéité et assurée par la glaise, ou des mélanges d’argile et de bouse de vache. Elles sont d’ailleurs à l’abri des intempéries en étant placées soit sous des appentis ou des hangars. L’Alsace terre de passage et de transaction par ses voies terrestres et fluviales à une activité commerciale très intense avec la quasi-totalité des pays européens. De ce fait, le miel et surtout la cire sont des denrées destinées au mercantilisme, échange et même d’acquittement d’impôt et autres taxes. C’est ainsi que la corporation des ménétriers placée sous le patronage des châtelains de Ribeaupierre punissait toutes infractions à leurs règles d’une amandes en argent, cette dernière pouvait également être acquitté en cire au profit du sanctuaire de Dussenbach édifié par les châtelains, actuellement encore en activité et qui se situé près de Ribeauvillé. Au cours des 80 premières années du XVIème l’Alsace se trouve dans l’épicentre des marchés européens, les richesses s’accumulent, la cire est fréquemment citée parmi les principales valeurs d’échanges. Dans les pays germaniques, au cours du Bas Moyen Age, les serfs sont affranchit en grande masse, ce qui ne le sont pas, essayent par tous moyens de se soustraire à la corvée, l’Alsace incluse dans ce monde n’échappe pas à cette évolution. Les seigneurs et le clergé ont de ce fait tendance à substituer impôts et taxes au ‘‘travail d’intérêt général’’ de l’époque. Il faut pourtant relativiser, les hommes ont peut de formation pour mener une apiculture tant soit peu rentable, a quoi servent les livres si ceux qui pratiquent ne savent pas lire. Un strasbourgeois édite un traité sur l’apiculture au cours du XVIème siècle, il fera référence dans le monde germanique. Un autre livre datant de 1777 de Johan Riem, originaire de Silésie, bien que contrasté et critiquable cet ouvrage n’en ait pas moins intéressant. On apprend qu’une ruche divisible existait déjà en 1776, la loque y est admirablement décrite. Mais l’apiculture en Alsace a du mal à se frayer chemin, jusqu’au XIXème ont met régulièrement en place des plans pour relancer l’apiculture, elle ne sera jamais l’activité économique la plus florissante à plus d’une raison. Déjà la fin du XIIème siècle voit la société changer fondamentalement dans l’espace du Saint Empire Germanique. De nombreuses villes sont fondées, certaines seront affranchies, les évolutions économiques provoquent une immigration des campagnes vers les cités où les richesses nouvelles s’accumulent. Sur les sous collines Vosgiennes croit une liane, partiellement importée et développé par les Romains, qui produit un autre or jaune, le vin, qui aujourd’hui comme par le passé dégage une valeur ajoutée bien supérieure à la cire et au miel. Parmi les nouvelles industries on compte des brasseurs cette activité autrement plus lucrative que l’apiculture est parfois exercée dans les couvents ou monastères. Immense brassage de population, richesses artisanales (textile, mobilier, ferronnerie….) sont antinomiques avec richesse agraire. Même aux cours de périodes difficiles l’apiculture ne jouera qu’un rôle marginal pour suppléer aux manques, encore moins pour relancer l’économie. C’est l’essentiel de ce que l’on peut retenir de cette longue période s’étendant du Haut Moyen Age au Second Empire ou tout a changé certes, mode de vie, coutumes, les technologies, la hiérarchie sociale, etc…, sauf le principe économique au sein duquel l’apiculture évoluait. Autant l’activité est indispensable, autant elle enrichi tant soit peu l’économie, de surcroît, richesse aidant les produits de la ruche peuvent être importés s’ils venaient à manquer. C’est l’image que donne l’apiculture alsacienne au moment ou Langstroth conçoit la ruche à cadre mobile et Charles Dadant construisant ses premières ruches, nous sommes en 1851 .
L’œuvre du Pasteur Bastian 1834 – 1893
Pasteur à Wissembourg, c’est le fondateur de l’apiculture moderne d’Alsace et de la Loraine (partie annexé par le IIème Reich, la Moselle). Dès la fin des années 1850 début 60 il organise des réunions de vulgarisation pour les pratiques apicoles. Déjà en 1866 jean Schmitt de Barr est mandaté pour construire un extracteur simplifié selon les plans du Hongrois Hruschka inventeur de ce nouveau matériel apicole. Le Pasteur Bastian comprend rapidement qu’il faudra s’unir travailler en synergie, et qu’il faut communiquer pour mieux informer et propager ses thèses, c’était un homme d’avant garde. Déjà, il est entouré par une certaine élite formée aux pratiques modernes, qui forme les apiculteurs et essayent de faire disparaître les pratiques patriarcales. Le 1er octobre 1868, il crée la Société d’Apiculture d’Alsace, qui deviendra quelques temps plus tard d’Alsace et de Lorraine. Rapidement des apiculteurs se regroupent, 2 syndicats sont créé en 1869, Strasbourg et Haguenau. Malheureusement intervient la désastreuse guerre de 1870 avec les conséquences que l’on connaît. A présent, l’Alsace est coupée de la France, sous le contrôle de Bismarck, une main de fer sous une chape de plomb s’abat sur l’Alsace. Les associations et syndicats sont misent sous la tutelles des associations du pays de Bade. En septembre 1872 le Pasteur Bastian et l’instituteur Dennler participent à un congrès à Salzbourg, ils rencontrent les sommités de l’apiculture germanique, Dzierzon (parthénogenèse), Von Berlepsch (cadre mobile) Major Hruschka (extracteur). Le 3 octobre 1872, est décidé au cours de la 3ème assemblée générale de la société d’apiculture à Brumath la parution d’un mensuel sur l’apiculture la ‘’Elsass Lothringischen Bienenzeitung’’, le journal des apiculteurs alsacien et lorrain et qui de surcroît particule alsacienne est bilingue. De 8 pages en 1873 il passe à 14 pages en 1874. En plus de ce mensuel, un manuel de 70 pages pour la pratique de l’apiculture est édité par le Pasteur Bastian en 1874, intitulé le manuel de l’apiculteur alsacien. Le mensuel est gratuit pour les membres des sections affiliées à la société dont la cotisation est fixée à 2 Frs, pour les non membres le prix de l’abonnement et fixé à 2,50 Frs (le franc reste officiel même sous le régime Allemand, en Alsace – Lorraine, jusqu’en 1875). Ce mensuel disparaîtra dans la tourmente de la guerre 39/45 après avoir connu son apogée au cours des années 20 avec 20 000 abonnés. En 1952, il resurgit de ses cendres sous la forme d’une association entre apiculteurs et arboriculteurs toujours en mensuel sous l’appellation ’’Fruits et Abeilles’’ et diffusé actuellement à 13000 exemplaires environ. Avec un tel dynamisme l’apiculture alsacienne et mosellane ne peut prendre qu’une voie ascendante.
On recense en 1873 :
– Pour le Bas Rhin : 21 170 ruches
– Pour le Haut Rhin : 21 425 ruches
– Pour la Moselle : 38 099 ruches
Les structures de l’apiculture d’Alsace et de Moselle jusqu’en 1940 sont la Société d’Apiculture localement constituée (en grande partie l’étendu du canton) en sections.
En 1875, du 14 au 17 septembre, se tient à Strasbourg au parc de l’Orangerie l’assemblée itinérante des apiculteurs allemands et autrichiens, plusieurs milliers de visiteurs sont de la partie, avec en corollaire, une conférence du Dr Dzierzon.
En 1880 on compte :
– 20 sections pour le Bas Rhin avec 1280 membres
– 12 sections pour le Haut Rhin avec 820 membres
– 10 section Lorraine avec 890 membres
Cependant, des embûches se dressent sur le chemin des apiculteurs lorsque la commission des éleveurs de chevaux et la commission centrale de l’agriculture s’opposent à la reconnaissance des statuts par l’administration et de ce fait à l’attribution de subvention. Le 18 février 1889, grâce à d’énergiques interventions auprès du gouvernement, les statuts de la Société d’Apiculture d’Alsace et de Lorraine sont reconnus, de surcroît la société est reconnue d’utilité publique, statut qu’elle perdra en 1919 par le traité de Versailles. Elle touche de ce fait une subvention de 2 000 marks, accordé par le gouvernement impérial, sur les fonds du Reichland d’Alsace et de Lorraine. Les nouvelles pratiques apicoles sont encouragées, telle la transhumance, l’élevage des reines, à l’époque par technique de la découpe du rayon, déjà on attirait l’attention de l’apiculteur quant à la gestion économique, la question posée consistait à connaître s’il était utile de construire un rucher chalet. Le pasteur Bastian développe des nucléis et ruchettes pour l’élevage de reine, ce matériel très performant révolutionnaire pour l’époque est encore exploité aujourd’hui par de nombreux apiculteurs. Le 3 novembre 1893 le pasteur Bastian décède d’une maladie rénale et au terme d’une souffrance de 6 mois à l’âge de 59 ans. Il aura été un président exemplaire, connu bien au-delà de nos frontières, homme d’avant-garde, aujourd’hui encore ses vues sont d’actualités. Malgré sa mort, ses compagnons continuent son œuvre et l’apiculture alsacienne et mosellane continue d’avoir le vent en poupe. A titre d’exemple pendant la guerre 14/18, malgré le dur conflit, les apiculteurs comme les autres citoyens sont appelés au front, malgré un nombre important de ruchers situés en zones de combats, malgré la rareté des matières premières, … l’apiculture d’alsace et de moselle ne régresse pas, bien au contraire, apiculteurs et ruches sont en augmentation.
Une ruche spécifique à l’Alsace, la ruche Alsacienne ou la ruche Bastian
Cette ruche a été conçue pour le paysan alsacien des année 1870, sa réalisation est économique, prévue plutôt pour une apiculture sédentaire que pastorale, sa dénomination ’’ la ruche alsacienne haute ou ruche Bastian’’. Elle est présentée pour la première fois au cours d’une exposition de Barr en 1873. De longueur variable elle peu varier suivant sa conception d’origine de 45 cm à 1 m pouvant recevoir de 10 à 24 cadres, les dimensions intérieures sont de 34 cm et hauteur et 26 en largeur, le cadre quant à lui a une dimension intérieure de 22 X 34 cm. C’est une ruche à cadres mobile, non divisible. A l’origine elle était à l’image de la ruche Dadant avec des cadres de hausse plus petits que ceux du corps de ruche. Par la suite la hausse a été agrandie pour accueillir des cadres communs aux deux parties de la ruche. A l’arrière une portière qui peut être avancée ou reculée suivant la force de la colonie. Il y aura par la suite rajout d’une vitre qui assure la fonction de partition et permettra une observation facile sans ouverture de la ruche, la portière dans ce cas demeurera fixe. Cette ruche peut également s’ouvrir par le haut grâce à la mise en place de 3 ou 4 planchettes. Aujourd’hui la ruche alsacienne à moins de volume que par le passé, elle recouvre en moyenne entre 12 à 16 cadres. Pour stimuler et faciliter l’élevage des reines ainsi que la formation des nucléis, le pasteur Bastian a conçu des ruchettes deux cadres pour la fécondation. Ces ruchettes sont regroupées par 6 dans une maisonnette avec trous de vol opposés. Enfin, il existe des ruchettes 3 cadres pour hiverner les nucléis. D’ailleurs les maisonnettes de fécondation peuvent recevoir après la fécondation 3 ruchettes 3 cadres en lieu et place des 6 ruchettes de fécondation de 2 cadres. L’idée première a été de remplacer dans le rucher les anciennes reines par des jeunes nouvellement fécondées et partiellement prélevé dans les maisonnettes de fécondation en principe une sur deux. De ce fait les reines restantes profitaient des butineuses et cadres de couvains des reines prélevées.
Une variante de la ruche alsacienne haute, la ruche alsacienne couchée
Cette ruche est moins exploitée que l’Alsacienne haute. La différence fondamentale se trouve au niveau de la position du cadre dans la ruche. Celui-ci garde les mêmes dimensions, cependant, au lieu que le grand coté soit en hauteur il est retourné dans le sens horizontal, d’ou le terme couché. Autre différence, cette ruche n’a pas d’ouverture par l’arrière, elle se travaille donc exclusivement par le haut. Elle contient suivant l’apiculteur entre 12 et 16 cadres.
Un autre illustre apiculteur alsacien, Auguste BALDENSPERGER
Auguste BELDENSPERGER, était plutôt un homme de recherche et de science. De ce fait, ses travaux et investigations se sont orientés vers les maladies et la lutte contre les épisodies Il fut un des instigateurs pour la création après guerre des GDSA. Mais bien avant, en 1927, il fonde un centre de recherche à Guebwiller. D’avant-garde pour l’époque, sa préoccupation était déjà la qualité des miels, leur provenance par des analyses polliniques. Ce centre prendra d’ailleurs rapidement une renommé intra et extra régional y compris dans les pays voisins Suisses et Allemagne, bien entendu en France ou de telles infrastructures n’existaient pratiquement pas. A la fin des années 60 lorsqu’il se retira du monde actif son laboratoire sera transféré à Colmar. Aujourd’hui encore, le laboratoire vétérinaire du Haut Rhin pratique encore les analyses physico-chimiques des miels en particulier ceux destinés au concours et à l’IGP (Indication Géographique Protégée).
Le lent déclin de l’apiculture Alsacienne et l’apiculture d’aujourd’hui
C’est au début des années 20 que l’apiculture alsacienne et mosellane se situe au zénith. A partir du début des années 30 les effectifs sont en diminution. Le sucre a de plus en plus tendance à remplacer le miel, la cire est remplacé par la paraffine, la médecine fait des progrès, l’intérêt pour cette activité diminue, l’évolution des métiers agraires, les pionniers de l’apiculture moderne de la fin du XIXème ne sont plus. Malgré un petit regain au cours du conflit de la seconde guerre mondiale, pour cause de manque de matières premières, alimentaires et du soutien de cette activité par les nazis pour des besoins de guerre, la diminution des effectifs reprend dès le début des années 50. Dans l’immédiat après guerre l’apiculture se reconstitue. 3 fédérations sont mise en place, Bas Rhin, Haut Rhin et Moselle, elles auront le statut de la loi de 1884, des syndicats remplacent les anciennes sections selon le périmètre de principe du canton, bien entendu il y a des exceptions. Malgré une rigoureuse organisation, de moins en moins de jeunes s’investissent, les exploitations trouvent de moins en moins de successeurs. Cette tendance s’amplifie même à partir de la fin des années 60 si bien qu’actuellement la population des apiculteurs est vieillissante. La moyenne d’âge se situe entre 65 et 70 ans de moyenne, sauf pour certains rares syndicats. Les raisons sont multiples, certaines sont spécifiques à l’Alsace, 3 grands chapitres se dégagent :
1° Modification des conditions agro-environnementales :
– Agriculture intensive et mono culture
– Les remembrements (disparition des talus, haies, fossés de drainage)
– L’emploi important de pesticide et d’anti-germinatifs sélectifs
2° Evolutions économiques :
– Evolution de l’économie familiale
– Evolution des prix à la consommation
– Rentabilité des petites exploitations
– Conséquence de la grande distribution
– Le prix élevé du terrain en Alsace
3° Les évolutions philosophiques :
– Tolérance des ruches près de l’habitat
– Evolution des loisirs
– Marginalisation des métiers agricoles
– Le modernisme
– L’évolution des esprits des élus
– L’esprit indépendantiste des apiculteurs.
L’actuelle apiculture Alsacienne
L’Alsace compte actuellement environ 2900 apiculteurs dont la majorité est syndiquée au sein des divers syndicats des deux fédérations. Le Bas Rhin compte 29 syndicats le Haut Rhin 24, le Bas Rhin est affilié à l’UNAF et recense environ 1150 membres. Sans vouloir verser dans le superlatif, malgré une diminution sensible des effectifs, l’Alsace dispose à comparer à d’autres régions un nombre conséquent d’apiculteurs. C’est en partie à mettre au compte de l’organisation spécifique de l’apiculture alsacienne, grâce au dynamisme de ses syndicats, dont beaucoup disposent de ruchers écoles, stations de fécondation, ils arrivent à susciter des vocations d’apiculteurs et à répondre à leurs demandes. La tendance actuelle est à un regain d’intérêt pour la pratique apicole de nombreux jeunes reprennent le flambeau, c’est un véritable renouveau. Les techniques nouvelles sont mises à contribution, elles contribuent à un véritable florilège d’initiatives qui contribuent à vulgariser les pratiques apicoles et à une meilleure connaissance des produits de la ruche.
Les ruches exploitées en Alsace
Un rapide aperçu des ruches exploitées par les apiculteurs laisse apparaître que l’antique ruche Bastian tient toujours le haut du pavé, près de la moitié des ruches exploitées sont du type Alsacienne hautes. Le reste se partage entre : Alsacienne couchée, Langstroth, Dadant, Zander ruche allemande cadre 40 X 22), la Thumenau (une Zander transformée par Charles Goetz), Claerr (réalisée par Gérard Claerr, 9 cadres alsacien couchés), Voiron, Voirnot. Le rucher chalet qui est plutôt une pratique d’apiculture germanique est encore d’usage courant en Alsace
Les races d’abeilles présentes en Alsace
Un rapide recensement des races d’abeilles les plus exploitées nous apprend que c’est la Carniolienne qui vient en tête à près de 80 %. Il faut préciser, que cette race est pour l’apiculture Alsacienne, compte tenu des structures des exploitations (petites), des rigueurs climatiques (Hiver long, fréquents retours de froid), densité de la population (agressivité), l’abeille la plus adaptée. Petite particularité des syndicats en alsace, certains ont créé en leur sein des cercles d’élevages. La Carniolienne est élevé par le syndicat de Molsheim (Bas Rhin). Sa demie sœur, la Sklenar (clone de la Carniolienne), 3 cercles d’élevage s’adonnent à la sélection Seltz et Haguenau pour le Bas Rhin le cercle du Sundgau pour le Haut Rhin. Les autres races sont plutôt l’apanage des professionnels, l’italienne pour certains, la Buckfast pour d’autres. C’est dans le Haut Rhin que se trouve un éleveur averti de cette dernière en la personne de M. Raymond ZIMMER, également auteur d’un livre ‘’l’Abeille Buckfast en question’’. Le syndicat de Haguenau a également une station de sélection de la Buckfast.
Les structures de l’apiculture alsacienne
Les structures des exploitations sont de petite taille. Une évidence, plus de 91% des apiculteurs ont un maximum de 10 ruches et détiennent un peu plus de 61 % du cheptel. Il y a quelques décennies l’Alsace ne comptait qu’un seul apiculteur professionnel exclusivement à activité apicole l’entreprise Durner de Dinsheim. Aujourd’hui on compte une dizaine d’entreprises professionnelle, c’est peu mais le marché du miel surtout en grande surface est en extension. Ils représentent environ 0,40 % de la population des apiculteurs est détiennent près de 11 % du cheptel apiaire. Les pluriactifs sont peu nombreux, ils représentent 0,40% de la population des apiculteurs et détiennent également près de 11% du cheptel. Enfin, les 8% des apiculteurs qui détiennent 28 % des ruches sont des cotisants solidarités.
Préparer et assurer l’avenir
Stimuler la pratique apicole par le biais des jeunes, afin qu’ils trouvent plus d’attrait à l’activité apicole. C’est par cette motivation que l’apiculture alsacienne engage depuis plusieurs années des moyens nouveaux. Dans un souci d’être interlocuteur unique face aux diverses administrations, afin de regrouper les moyens et pour un travail en synergie, les deux fédérations du Bas Rhin et Haut Rhin se sont fédérées en une Confédération des Apiculteurs d’Alsace. Cette structure fait la promotion des produits de qualité, qui répondent au mieux à la demande du consommateur. Chaque année un concours des miels est organisé qui fait référence bien au-delà des limites de notre région. Les producteurs de miel ont également la possibilité, moyennant le respect d’un cahier de charge de s’engager dans la démarche d’un label de qualité. Deux labels ont cours actuellement pour le miel, une I.G.P. (Indication Géographique Protégée) avec 7 différents crus : sapin, forêt, châtaignier, tilleul, acacia, fleurs, fleurs crémeux, le label rouge pour les miels de sapin. Former, informer, vulgariser l’apiculture et les produits de la ruche figurent parmi les objectifs prioritaires des deux fédérations. C’est ainsi grâce aux aides européennes que des cours de moniteurs sont organisés, ils sont étalés sur une durée de 2 années et font l’objet d’une validation sous contrôle de l’éducation nationale. Les participants seront les cadres de l’apiculture de demain, charger d’éduquer les débutants, former et informer l’ensemble des apiculteurs, d’être des vulgarisateurs de l’apiculture. Les deux fédérations et la confédération assistent les apiculteurs dans leurs démarches tant pour l’amélioration de la qualité de leurs produits que pour le développement de leur exploitation. Par un travail commun avec les GDSA (groupement de défense sanitaire apicole), l’apiculture alsacienne espère pouvoir affronter les principaux défis des temps futurs. Mais une fois de plus en ce début du 21ème siècle, notre apiculture se trouve à la croisée de ce bouillon d’échange des courants politiques et économiques de l’Europe d’aujourd’hui et de demain. Plusieurs faits révélateurs sont là pour le prouver, parmis les plus importants citons : Le voisinage d’une Allemagne, 1ère place européenne en matière d’échange de miel, les nouveaux entrants dans l’espace du marché commun qui ont une histoire commune avec l’Alsace, la ressemblance de la structure des exploitations alsaciennes avec la majorité des apicultures des pays voisins, les pays nordiques consommateurs de produits de la ruche qui se trouvent dans les convergences des courants naturels de nos échanges. Puis il y a les structures de l’agriculture Alsacienne, qui demeurent petites et dans de nombreux cas sous forme de polyculture. C’est une opportunité pour les différents métiers agricoles d’avoir une apiculture bien répartie sur l’ensemble du territoire afin d’assurer une biodiversité. Puis l’apiculture peut être un complément non négligeable pour certaines exploitations agricoles en matière de produit de la ruche ou de produits transformés. Tous ces facteurs sont à la fois défit et chance, l’économie apicole alsacienne, à y regarder de près, peut être la porte ouverte pour l’apiculture professionnelle française vers les pays de l’est et du nord de l’espace économique européen. Les objectifs avoués de Louis XIII et son ministre Richelieu pour détenir l’Alsace étaient d’être plus proche des grands courants d’échanges européens et par conséquent d’avoir pied sur la marche de l’Europe, ils étaient en avance sur leur temps, trois siècles et demi après, rien de changé à cet égard. Pour le consommateur, pour le visiteur, pour le touriste un détour par l’Alsace et une rencontre avec les apiculteurs sera sans aucun doute riche en attrait et en enseignements.
Charles HUCK